Génération désenchantée

Si les incompréhensions intergénérationnelles sont le lot normal de l’évolution des sociétés, la fracture observée depuis quelques années laisse entrevoir des répercussions plus profondes, notamment autour de la question du temps et du travail.

Dans La Fracture, le directeur général de l’institut de sondages Ifop, Frédéric Dabi, analyse le fossé qui se creuse entre la génération des 18-30 ans et les précédentes. Les moments que nous vivons collectivement depuis l’apparition du Covid bousculent l’ensemble de nos expériences, mais la jeunesse est plus particulièrement entrée dans une période de désenchantement. Cela a des répercussions sur son comportement civique (taux d’abstention important), son engagement environnemental, mais aussi sa relation au travail. Interrogés sur ce qui importe pour réussir sa vie, les jeunes placent l’argent et une belle carrière professionnelle en bas de leurs préoccupations, bien loin derrière la famille. Pour les jeunes Français, la cellule familiale reste en effet un consistant majeur d’une vie réussie, tout comme le fait de disposer de temps pour soi.
Cette importance accordée au temps libre signifie qu’ils saisissent toutes les opportunités pour éviter de perdre du temps. Combien envisageraient aujourd’hui de patienter devant un guichet pour faire une opération courante de banque, ou envoyer une lettre recommandée ?

De nouvelles exigences
D’autre part, la jeune génération a une vision très exigeante de l’entreprise. Quitter son lieu de travail pour différentes raisons personnelles est devenu une nouvelle norme pour ces jeunes professionnels : 58% des salariés de moins de 35 ans reconnaissent qu’il leur arrive de s’absenter au cours de la journée pour faire une course. Il s’agit bien d’une révolution générationnelle, qui nécessite une réorganisation du monde professionnel et l’engagement des entreprises à concevoir de nouvelles formes de travail pour répondre aux exigences des jeunes Français.